D’après la plupart des journaux tchadiens parus dans la semaine, le Tchad vit aujourd’hui un naufrage sociopolitique et financier, préjudiciable à son développement.

« Une République en sursis ». En tout, c’est le constat de N’Djaména Hebdo qui fait haro sur le régime de Mahamat Kaka au bord de l’abime. A en croire ce journal, « depuis la mort du maréchal Idriss Déby Itno en 2021, son fils Mahamat Idriss Déby Itno qui l’a succédé à la tête de l’Etat, a enfilé l’uniforme du pouvoir absolu ».

Pour le journal La Voix, « tout à commencer avec l’installation du Conseil Militaire de Transition qui n’a pas tenu ses promesses d’assurer la sécurité et laisser le pouvoir aux civils après 18 mois de transition, à l’issue des élections libres et transparentes. Un semblant de dialogue national dit inclusif et souverain organisé a plutôt renforcer un système vieux de plus de trois décennies. Résultat, poursuit ce même confrère, « les promesses trahies, les libertés piétinées, la Constitution violée, l’opposition bâillonnée, traquée et/ou réduite au silence, les médias muselés, la jeunesse sacrifiée et les scrutins vidés de toute transparence ». Et en un mot, « le pays est étouffé », soupire le journal La Voix. Comme cela ne suffisant pas, N’Djaména Hebdo fait savoir que « Mahamat Idriss Déby Itno se fait élever au rang de maréchal, puis sacré « meilleur citoyen » dans une dérive monarchique où les institutions sont réduites à des outils de légitimation ».

De ce fait, nos confrères, à l’unisson, constatent que « les vieilles habitudes et les anciennes méthodes de gouvernance perdurent. N’Djaména Hebdo fait remarquer que « l’administration publique est en plein naufrage ». Et « elle traverse une crise générale : absentéisme généralisée, négligence des agents, détournements de mission de service public, favoritisme communautaire », énumère cet hebdomadaire. A propos du favoritisme, Abba Garde nous informe que le ministre « Bakhit Djamous brille par le clanisme et le clientélisme dans les nominations au ministère de l’Environnement. Ainsi, au sein du ministère, rapporte notre confrère, les nominations sont motivées davantage par des liens familiaux et politiques que par les compétences techniques ».

Paradoxalement, analyse La Voix, « le régime, en accaparant tous les leviers du pouvoir se résigne dans la peur du changement. Les agents de commandement, notamment gouverneurs, préfets, sous-préfets, qui sont imposés non pour leur compétence mais pour leur appartenance, alimentent les conflits ». Ainsi, affirme le journal Le Phare Info, « dans presque toutes les provinces en crise, ces administrateurs nommés par le ministère de l’administration du territoire sont régulièrement pointés du doigt pour leur partialité, leur corruption ou leur incapacité à garantir la neutralité de l’Etat ». Dans le même sillage, N’Djaména Hebdo, tout en s’appuyant sur le rapport des associations des droits de l’homme sur les événements dramatiques de Mandakao, affirme sans ambages que c’est le préfet de la Dodjé qui est à l’origine du conflit foncier survenu le 14 mai dernier, dans cette localité. Eu égard cette assertion, le journal Le Phare Info se demande : « le ministre Limane Mahamat n’est-il pas comptable des conflits intercommunautaires au Tchad ? ».

Pour l’instant, Dr Succès Masra et autres sont détenus suite au massacre de Mandakao. Mais Le Phare Info prédit que « la détention de Masra libérera le peuple tchadien ». Car, argument-il, « les Tchadiens de l’intérieur comme de l’extérieur victimes des bavures du régime attendent de pied ferme le verdict pour prendre leurs responsabilités ». Et « cette affaire Masra, renchérit ce journal, risquerait de tourner définitivement la page du régime Déby qui se fie à son arsenal de représailles, si le pouvoir ne fait pas preuve de sagesse et de maturité ». D’ailleurs, renfornal du Tchad, « derrière l’arsenal répressif du général Mahamat Idriss Déby se profile une hémorragie économique qui prive le pays d’investisseurs, de devises et, in fine, d’avenirce le Jour ».

Et c’est le même constat qu’a fait N’Djaména Hebdo qui annonce que « les organes de l’Etat peinent à fonctionner ». Pour preuve raconte-t-il, « le ministre des finances, perçu comme arrogant, sûr de lui et peu enclin au dialogue, impose sa ligne budgétaire souvent au mépris des priorités sociales et économiques. Il bloque même des décisions présidentielles, comme en témoigne le projet d’intégration des jeunes diplômés dans la fonction publique. Et « pendant ce temps, expose ce même journal, l’Etat continue de payer difficilement les salaires, les fournisseurs sont abandonnés, les PME qui vivent de la commande publique sont asphyxiées, les grands chantiers promis au peuple ne sont que promesses, les investisseurs étrangers ne pressent plus aux portes d’un pays perçu comme instable, opaque et verrouillé par une administration corrompue ».

Conséquence, s’alarme La Voix, « aujourd’hui la souffrance des Tchadiens parle. Mais leurs cris de douleur sont un aboiement des chiens qui n’empêche pas à la caravane des forces du statu quo de passer pour leurs propres intérêts exclusifs. Mais l’histoire demeure têtue. Tous ceux qui luttent à cœur joie pour empêcher l’unité, la paix durable, la stabilité et le développement du Tchad paieront tôt ou tard. Puisque, même le monde, sa fin est prévue ». Malgré tout, ce journal note que l’espoir n’est pas perdu. Pour ce faire, l’éditorialiste de N’Djaména Hebdo dit qu’il faut « sortir de l’impasse de la déraison ». Car, avance-t-il, « rien n’est irréversible. A condition d’accepter collectivement un diagnostic lucide, celui d’un pays qui va mal parce qu’il refuse d’écouter, de reconnaître, de se réconcilier. Le Tchad a besoin de se libérer de ses peurs, de ses rancunes, de ses réflexes de domination. Il doit apprendre à vivre avec ses différences, à faire confiance, à dialoguer. Cela exige une grande humilité : accepter ses limites, ses erreurs, mais aussi croire en ses capacités, conseille N’Djaména Hebdo.

Alphonse DOKALYO