Le drame qui a eu lieu le 14 mai dans le village de Mandakao dans la sous-préfecture de Beinamar faisant 42 morts et l’arrestation de Dr Masra Succès font encore les choux gras des journaux tchadiens de la semaine.

« Les enjeux politiques du massacre de Mandakao », titre à sa Une l’hebdomadaire N’Djaména Hebdo. D’après ce journal, « officiellement, l’origine du conflit serait un différend foncier entre éleveurs et agriculteurs ». Mais analyse-t-il, « la récupération politique ne s’est pas fait attendre. « A peine 48 heures plus tard, l’opposant Succès Masra, leader du parti Les Transformateurs et ex-Premier ministre de transition a été arrêté chez lui, à N’Djaména, accusé d’avoir incité à la haine », expose notre confrère. A cet égard, N’Djaména Hebdo s’interroge : « Comment les services de renseignement ont-ils pu impliquer Masra aussi rapidement dans un massacre localisé, à des centaines de kilomètres de la capitale ? Pourquoi n’a-ton pas révélé publiquement le contenu de l’audio incriminé ? Pourquoi cet empressement à l’arrêter alors même que l’enquête sur les auteurs du massacre n’est pas achevée ? ».

N’importe comment, cet hebdomadaire répond to de go : « l’affaire Masra ressemble à une opération de neutralisation ». Mieux, notre confrère est soutenu par le journal L’Observateur qui affirme « qu’elle ressemble fort bien à une cabale politico-judiciaire ». Et donc « le gouvernement s’embrouille », renchérit L’Observateur. La Voix partage aussi les avis de ces deux confrères lorsqu’il rapportait les propos du ministre de la Communication M. Gassim Chérif Mahamat qui déclare : « Je n’ai jamais vu un avocat tchadien aller en France défendre un dossier politique ». Le ministre a fait « cette révélation » lors d’un face à face qui l’a opposé, le 25 mai dernier au député Mbaïkoubou Béral sur le plateau de TchadInfos, précise La Voix. Autrement dit, le gouvernement exprime ici son refus catégorique au collectif d’avocats français de se joindre à leurs confrères tchadiens dans la défense de l’opposant. En clair, il « rejette donc toute tentative d’ingérence étrangère dans les affaires judiciaires du Tchad, un Etat souverain ». En disant cela, « Gassim Chérif Mahamat se mélange les pinceaux », d’autant plus qu’il existe un « accord judiciaire entre la France et le Tchad », rappelle le journal La Voix. Alors, c’est une « ignorance ou mauvaise foi ?», se demande notre confrère.

Quoiqu’il en soit, a fait remarquer l’éditorialiste de La Voix, « la démocratie tchadienne est une démocratie de façade. Au regard de l’affaire politico-judiciaire qui met au prise l’opposant Masra Succès et le pouvoir, il apparait clairement que le sacro-saint principe de la séparation de pouvoirs est allègrement piétiné. Les différents responsables gouvernementaux ont dans leurs interventions déclaré Masra coupable à priori », martèle-t-il.

 D’après le journal Le Citoyen, au-delà du drame de Mandakao, c’est la « gestion de l’héritage du Maréchal Déby » qui est en cause. « Il pèse lourd aujourd’hui au point d’être difficile à supporter par ses successeurs ». Et « au Tchad, poursuit-il, le nœud de tous nos problèmes réside dans l’incapacité des uns à s’ouvrir aux autres. Ainsi, constate Le Citoyen, « le massacre de Mandakao, suivi de l’arrestation du leader des Transformateurs, consacre la victoire des extrémistes de deux bords. Certaines voix condamnent tout acte de vengeance et exigent des mesures urgentes pour garantir la sécurité de la population. Tandis que d’autres mettent l’accent sur l’identité des assaillants pour les punir », regrette notre confrère. A ce sujet, N’Djaména Hebdo alerte : « Evitez le génocide ». Pour ce faire, le journal Le Pays qui cite les organisations de la société civile, « exige du pouvoir le respect des droits fondamentaux de tous les citoyens, y compris des opposants ».

C’est dans ce contexte de vive tension qu’intervient « l’an I des 12 chantiers et 100 actions de la 5e République », nous informe le journal L’Info. D’après ce journal gouvernemental, « au-delà des défis liés à la cherté de vie, aux conflits intercommunautaires, à l’insécurité, au grand banditisme urbain, il y a lieu de noter que le gouvernement a fait des efforts dans les domaines du dialogue permanent avec les acteurs politiques et sociaux, d’une relative stabilité politique et de la recherche de qualité dans les services publics ». Dans le même sillage, le quotidien Le Progrès qui cite le syndicaliste Mahamat Nousradine Moussa de la CIST, estime que « le bilan est globalement positif, mais il faut des actions urgentes ».

Alphonse DOKALYO