La numération des Républiques est en vogue en Afrique. Dans les autres blocs du monde à tradition républicaine comme l’Amérique du nord et l’Europe, elle est un fait rare. Les raisons de ce changement sont inavouées alors que les partis au pouvoir s’en servent à des fins de propagande. Regard sur un phénomène sociopolitique qui sert tous les alibis de pouvoir.   

Le Tchad et le Gabon sont déjà passés à la cinquième République après quelques années de transition politiques. Le Togo de Faure Gnassibé Eyadema est entré dans l’ère de la 4ème République, à l’issue d’une réforme politique sanctionnée par une nouvelle constitution. Les exemples de cet état de fait sont légions dans les pays d’Afrique francophone, qu’elles soient du Maghreb ou du sud du Sahara. Tout porte à croire que chaque changement de constitution engendre un changement de république. Elle représente le support de la consécration de la République. Justement, la doctrine constitutionnelle s’accorde à dire le changement d’une constitution peut-être à l’origine d’une République mais il faut que le seuil des changements apportés à la nouvelle constitution soit très élevé au point de modifier de manière importante le nombre d’institutions, leur fonctionnement tel qu’il sert à définir la nature du régime politique, l’étendue des droits et libertés…Sinon une nouvelle numérotation de la République n’a pas de valeur jurique. Celle-ci peut juste faciliter l’étude des institutions par les chercheurs, les consultants et les essayistes.

En 5 ans, le Tchad a quitté la 4ème République pour la 5ème République. Les changements majeurs sont notés au niveau de la suppression puis du rétablissement du poste du Premier Ministre, la consécration du Sénat puis la création et la suppression du poste de Vice-Président de la République. Autre nouveauté, la constitutionnalisation de certaines autorités administratives indépendantes comme le Médiateur de la République, la révision du statut des Collectivités locales et l’aménagement de la gestion du pouvoir en cas de vacance ou d’empêchement. Au Gabon le constituant a supprimé le poste de Premier Ministre et créé deux postes de Vice-Président, l’un de la République et l’autre du gouvernement. Parmi les conditions être élu Président de la République, les Gabonais avec l’expérience sous les Bongos, exigent que le conjoint ou la conjointe du ou de la candidate doit être Gabonais (e). Le changement constitutionnel du Togo est majeur d’autant qu’il s’agit du passage d’un régime présidentiel à un régime parlementaire. Dans les 20 dernières années, ce passage de République en République caractérise les pratiques politiques des Etats africains francophones.

Conçu pour trouver l’équilibre de pouvoir, aider une société à sortir d’une crise ou adapter l’appareil de l’Etat aux exigences sociétales, le changement de République est devenu un vernis de maquillage face au désir de changement des populations et une stratégie pour les dictateurs de sauter les verrous de limitation de mandat. Au Congo et en Côte d’Ivoire, Denis Sassou et Allasane Ouattara ont fait modifier la constitution avant la fin de leur dernier mandat. En passant à une autre République, ils ont mis le compteur à zéro.

Le changement de République qui suit le changement de constitution joue moins son rôle de catalyseur dans la dynamique socio-politique qu’il sert régulièrement d’instrument de propagande pour les partis au pouvoir qui ne veulent garder la main sur le pays. C’est pourquoi dans la pratique de ces partis, aucun changement n’est perceptible malgré les changements de République et de constitution. Ce phénomène masque un état d’instabilité de nos Etats. Il n’ y a pas une économie institutionnelle durable. Changement de République n’est pas synonyme de progrès dans la gouvernance.

Succès Ngarpolo