Dans sa tournée nationale du mois d’Avril, le Ministre de l’environnement, de la pêche et du développement durable a rappelé à la population l’autorisation préalable pour le défrichement de champs. Ce dispositif règlementaire, surprenant pour certains, prête à confusion, à quelques semaines du début de la campagne agricole 2025/2026.
Dans le village de Madom, sous-préfecture de Kim,département de Mayo-Boney, province du Mayo-Kebbi, une destruction massive des arbres de la forêt du site pétrolier de Cécilia a attiré l’attention d’une mission conduite par le Secrétaire général du ministère de l’Environnement, de la Pêche et du Développement durable, M. Koularambaye Koundja Julien, ce dimanche 20 avril 2025. Le Chef du village de Madom est jugé complice de ce défrichement et devrait répondre de ses actes.
La question du défrichement plonge plus d’un tchadien dans la confusion, pour un pays à vocation essentiellement agricole. Elle est encadrée par la loi 08 de 2010 portant régime des forêts, de la faune et des ressources halieutiques et l’arrêté N°0O3 de 2004 portant réglementation des défrichements anarchiques. Selon l’article 53 de ladite loi : « Tout défrichement portant sur une portion de forêt supérieure à une superficie donnée fixée par voie réglementaire, est soumis à une autorisation préalable, après avis des collectivités concernées. Les modalités et conditions de délivrance de cette autorisation préalable seront déterminées par les textes d’application. » L’article 54 poursuit que : « Toute réalisation de grands travaux entraînant un défrichement est soumise à une autorisation préalable du Ministre en charge des forêts sur la base d’une étude d’impact sur l’environnement. Malheureusement, le législateur a ignoré de définir le défrichement et son champ d’application. Ce vide a pour conséquence de créer la confusion pour les producteurs et ouvre la voie à des abus de la part des agents des eaux et forêts. Les conflits sont monnaies courantes dans les espaces ruraux. Le défrichement est le fait de détruire l’état boisé d’un terrain et de mettre fin à sa destination forestière
comme la coupe et le dessouchage des arbres pour l’urbanisation, l’exploitation de carrière ou la mise en culture suivie d’une impossibilité de régénération. Il ne s’agit donc pas d’une simple coupe d’arbres suivie d’un renouvellement à l’identique (par plantation ou régénération naturelle), qui dans ce cas ne constitue pas un défrichement.
Le défrichement est alors une opération qui vise le domaine forestier. Les espaces cultivables habituels ne sont pas concernés par cette autorisation préalable de défrichement. A ce niveau, le législateur est plus que clair : les forêts des espaces occupés par des formations végétales d’arbres et d’arbustes, à l’exclusion de celles résultant d’activités agricoles. Les différentes catégories du domaine forestier que sont les forêts domaniales, les forêts communautaires, les forêts privées et les forêts sont concernées. Il n’y a pas lieu de se prévaloir du droit de la propriété de son terrain et le défricher à notre guise, lorsqu’il est le support d’arbres. Les arbres, en raison de leur utilité alimentaire, médicinale, touristique et écologique exige un contrôle de l’autorité pour éviter un déséquilibre écologique. Au Tchad, les arbres sont un rempart contre l’avancée du désert. En cas d’urgence environnementale, l’autorité a même le pouvoir d’interdire tout défrichement pour favoriser la régénération des arbres sur l’ensemble du territoire national. Le défrichement et son champ d’application ainsi expliqués permettent de rassurer les exploitants agricoles et de rappeler aux autorités administratives et de sécurité, la limite de leurs pouvoirs. Dans les conditions normales, son application est un défi aujourd’hui, dans la partie sud du Tchad, estimée seulement à 10% du territoire national mais qui concentre près de la moitié de la population. La multiplication des projets de développement et d’investissement, la construction des infrastructures et la pression agro-pastorale sont entre autres, les causes. Les autorités doivent mener une campagne de sensibilisation de proximité afin de rendre les questions du défrichement intelligibles pour les producteurs ruraux et les autorités en charge de la protection de l’environnement.
Succès Ngarpolo
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