Le mardi 22 avril 2025, la Communauté Economique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a lancé, à Accra au Ghana, les activités de son cinquantenaire.

La Communauté Economique des États de l’Afrique de l’Ouest – CÉDÉAO a été créée en 1975. Elle regroupait au moins quinze pays. Grâce à sa vigueur démographique et à son potentiel économique, elle a été une institution forte. Le savant Cheikh Anta Diop disait : « La sécurité précède le développement ». Ces dernières années, le développement des pays membres a ralenti à cause de plusieurs défis, notamment sécuritaires. Nous devons tout de même retenir que la Cédéao est le projet des pères des indépendances et de leurs successeurs immédiats. Jusqu’à un passé récent, elle a été saluée comme l’une des meilleures institutions d’intégration sous régionale de notre continent. Parmi les belles réussites de ce grand projet d’intégration, nous pouvons citer la mise en place d’un passeport CEDEAO, la libre circulation des biens et des personnes, la mise en place d’une « Force en attente » pour des opérations militaires en cas de besoin. Les dirigeants de la troisième vague, c’est-à-dire nos présidents actuels, depuis 2000, essaient de sauvegarder ces acquis. La mise en circulation de la carte d’identité Cédéao est une belle réussite de leur part. S’ils arrivent à enterrer le Franc CFA et concrétiser le projet de la monnaie unique, l’Éco, l’histoire se souviendra d’eux pour toujours.

Aujourd’hui la CEDEAO souffre d’un manque d’un leadership ?

Depuis une décennie, l’Afrique de l’Ouest manque d’un leader charismatique, de l’envergure d’un Alpha Oumar Konaré, président du Mali entre 1992 à 2002, d’un Olusegun Obasanjo, président du Nigéria de 1999 à 2007 ; ou encore d’un Abdoulaye Wade, président du Sénégal de 2000 à 2012. Ces dirigeants, loin d’être parfaits, étaient des hommes de parole et d’actions, respectés et même craints. De l’ambition, de la personnalité et du charisme, ils en avaient ! Panafricanistes convaincus et convaincants, ils savaient dépasser leur égoïsme pour privilégier l’intérêt commun. Certes, les contextes ont changé, mais nous ne saurions formuler les mêmes éloges pour les dirigeants actuels. Une partie des citoyens ouest-africains leur reproche de ne pas être suffisamment panafricanistes. Dans ce reproche, il faut surtout entendre et comprendre le souhait des peuples. Ils désirent voir émerger une figure de proue pour, non seulement incarner le rôle d’un héros bien éclairé, mais aussi et surtout, pour imprimer un leadership utile qui prône la voix collective au sein de la Cédéao.

Qui pourrait imprimer ce leadership visionnaire et dévoué pour l’intérêt commun ?

La CEDEAO a besoin du sang neuf pour mieux se réinventer. L’esprit humain est libre d’imaginer même l’invraisemblable. Et si la Cédéao pouvait accueillir d’autres adhérents surtout après la sortie du Mali, du Burkina et du Niger ? Le Maroc avait émis l’idée d’intégrer cette organisation sous régionale et même notre pays, le Tchad avait été séduit par la CEDEAO. Pour ce qui est du Maroc, depuis 2017 sa Majesté le roi Mohamed VI avait souhaité intégrer l’institution où il compte beaucoup d’amis. C’est un espace géographique où le royaume investit beaucoup d’argent dans divers projets de développement. Sa majesté le roi Mohamed VI est respecté de tous. Il parle à tous. Il a le privilège de la longévité au pouvoir. Car il échappe au pari risqué du suffrage universel direct. Il a donc le profil pour imprimer, dans la durée, un leadership juste et efficace. Peut-être viendra-t-il avec de nouvelles idées pour réorienter le fonctionnement de la CEDEAO pour plus d’efficacité sur le plan sécuritaire, économique et diplomatique ? Mais ils sont quelques dirigeants ouest-africains à se montrer réticents à l’idée d’accueillir le Maroc au sein de l’espace CEDEAO, estimant que c’est pour ses propres intérêts.

Dans son roman Les frères Karamazov, Dostoïevski prévient le lecteur qui trouverait que son héros Alexéi Fiodorovitch « agit d’une façon vague et obscure ». A notre époque, on ne peut exiger des gens « la clarté », écrit-il. Au cas où quelqu’un nous contredirait sur le roi Mohamed VI, en argumentant que sa Majesté agit également de façon « obscure » -par pur intérêt économique en voulant intégrer la CEDEAO-, nous répondrons comme Dostoïevski : il nous sera difficile aujourd’hui d’exiger de quelqu’un la « clarté » totale. Nous pensons que le roi Mohamed VI pourrait positivement se distinguer par son leadership. Les actes qu’il a posés par le passé et continue de poser nous poussent à le croire. Avec la pandémie de Covid-19, il a envoyé une aide médicale aux pays de l’Afrique de l’Ouest. Un geste bien apprécié à l’époque par la Cédéao des chefs d’États, mais aussi par la Cédéao des peuples.

Pierre Boubane