Le premier trimestre de l’année 2025 a été particulièrement éprouvant pour les professionnels des médias, notamment dans l’espace Sahel. Au regard des derniers développements de l’actualité concernant les journalistes est-il pertinent de parler de haine envers les journalistes ?
Au Tchad, des journalistes dont Monodji Olivier, directeur de publication du journal Le Pays, arrêtés le 5 mars 2025 sur un mandat d’amener émis par le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de N’Djamena, séjournent à la prison de Klessoum. Au Burkina Faso, Luc Pagbelguem, journaliste de la télé BF1 qui a couvert le congrès de l’Association des journalistes du Burkina (AJB) a été interpellé. C’est sa rédaction qui a lancé l’alerte à travers un communiqué. Nos contemporains deviennent-ils plus sévères envers les journalistes ? Ou serait-ce les journalistes qui ne feraient plus bien leur travail ? Que ce soit au Burkina ou chez nous, au Tchad, une partie de l’opinion applaudit ces interpellations de journalistes aux motifs que certains parmi eux travailleraient, parfois, contre les intérêts de leurs propres pays. Du coup, faut-il parler de haine envers les journalistes ? Et cette haine serait-elle justifiée ? Au regard des dernières arrestations et intimidations que nous observons, il sied de reconnaître que les journalistes ne savent plus sur quoi écrire, de qui parler à l’antenne et sur qui braquer une caméra. Cette haine envers les journalistes – s’il faut s’exprimer en ces termes – est une réalité que nous côtoyons quotidiennement. Des journalistes préfèrent s’autocensurer ou cesser de couvrir des sujets plus controversés, parce qu’ils ne veulent pas être la cible de menaces ou d’attaques physiques. Du coup, ceci entrainant cela, nos démocraties en construction risquent de mal se porter.
Y a-t-il lieu que le lien de confiance entre les journalistes et la population soit rétabli ?
Si nous partons du postulat qu’il y a méfiance envers les journalistes et peut-être une haine contre eux, il faut que des mesures concrètes soient prises, pouvant rétablir le lien de confiance entre les journalistes et la population. Parmi celles-ci, le métier de journaliste doit être mieux expliqué au grand public, à travers des ateliers pédagogiques. Nos sociétés doivent comprendre le rôle des médias qui sont des outils essentiels pour des démocraties en construction comme les nôtres. L’Union des journalistes du Tchad (UJT), par une décision en date du 19 mars 2025, prise par son président, Abbas Mahamoud Tahir, a mis en place des points focaux de l’Union dans les différentes rédactions. La mission de ces points focaux est, entre autres, de « veiller au respect strict du code d’éthique et de déontologie du journaliste tchadien et des lois en vigueur sur la presse ». Ils ont également la mission de « recenser les besoins des journalistes dans leurs provinces en matière de formation et recyclage et faire des propositions au bureau exécutif ». Nous estimons que dans les propositions à faire au bureau de l’UJT et peut-être aussi de la Haute Autorité des Médias et de l’Audiovisuel, peut figurer l’éducation du public sur le rôle des médias au quotidien. Pas seulement en contexte électoral !
Pierre Boubane
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