Au Tchad, les médecins spécialistes sont peu nombreux et consultent sur rendez-vous. Les incessants allers-retours des patients peuvent parfois être fatals.

Daniel, un septuagénaire, quand bien même aidé par son fils, chancèle sur ses jambes flageolantes jusqu’au  couloir sombre du service de neurochirurgie du CHU de l’Hôpital général de référence nationale. Avant lui, une vingtaine de patients, le visage triste, attendaient le médecin spécialiste.  Deux mois après une commotion cervicale,  il peut enfin rencontrer son neurochirurgien dont toute sa province d’origine, le Mayo-Kebbi ouest, n’en dispose pas.

De consultations coûteuses à la clinique

Son médecin, un homme imposant peu enthousiaste au crâne tondu, appelle les patients conformément à un numéro d’ordre à eux attribué il y a quelques jours. « Sans numéro, je ne consulte pas », a jeté le médecin à un patient qui s’obstinait à se faire consulter sans le fameux numéro. Un instant, le patient revient, muni d’un ticket fixant le rendez-vous à une semaine. Le médecin le chasse une deuxième fois malgré ses supplications. « Une semaine, est-ce que la maladie  peut aussi attendre ? », interroge le patient, larmoyant avant de vider les lieux. Évidemment, « la maladie n’attend pas », confirme un garde-malade. En effet, ce dernier raconte qu’après trois semaines de traitement, son oncle s’est écroulé en sortant des toilettes. Il est transporté d’urgence à l’hôpital pour voir son médecin spécialiste qui le soignait jusque-là. Malheureusement, il était absent ce jour-là et ne reviendrait que le surlendemain. La maladie empire et faute de moyens pour interner le patient, son fils aîné est autorisé à l’emmener à la maison. Il décédera, malheureusement.

Devant les caisses du même hôpital, Arnaud et son petit frère poussent leur mère fébrile sur un chariot.  « C’est depuis des semaines que nous traînons ici », informe Arnaud, quelque peu colérique. La mère d’Arnaud, environ 70 ans, souffre d’un problème cardiaque dont le traitement coûte une fortune, à en croire ses progénitures. Pire, le coût double si les soins sont administrés dans une clinique. « En privé, ça coûte cher », confirme un gastroentérologue du CHU La Renaissance. Malheureusement, il arrive que le cardiologue de la mère d’Arnaud la consulte  dans sa clinique. « Échographie doppler, glycémie à jeun, ionogramme sanguin (….) ça coûte excessivement cher à la clinique. C’est plus de 100 mille », renchérit Arnaud qui semble maîtriser les examens de routine de sa génitrice.

« Une consultation n’est jamais urgente »

Les patients ont beau se plaindre de l’absence des médecins spécialistes mais « par définition, une consultation n’est jamais urgente. L’urgence, c’est le médecin qui la définit », atténue le gastroentérologue. Et même s’il y a urgence, « le patient est orienté et conditionné aux services des urgences ». Un spécialiste est toujours là pour lui, rassure -t-il. Si jamais le spécialiste ordonne au patient de le suivre dans sa clinique, ce dernier peut bien refuser et s’adresser au service de réclamation des patients, conseille le médecin. Mais ce service, très peu de patients le connaissent !

Masrambaye Blaise