L’équipe nationale de football, les Sao, enregistre depuis peu d’innombrables défections. Même si beaucoup de supporters semblent s’en tenir les côtes, ces abandons traduisent l’irritation de l’effectif.

Il y a un peu plus de trois mois, à la surprise des supporters, Marius Moundilmadji, alors capitaine des Sao, a quitté le navire. « C’est une décision difficile à prendre, mais je dois tourner la page pour me concentrer sur ma carrière en club », écrivait sur sa page Facebook, l’attaquant de 26 ans. D’autres abandons ont suivi ce week-end : Allambatnan Gabin, le portier, et trois autres joueurs ont également rendu le tablier. « Pourtant, il y avait une petite lueur d’espoir (…). Mais comme toujours, il est judicieux de se concentrer sur soi en ce moment », écrit aussi Eric Mbangossoum sur la toile bleue. Car, tranche Amine Hiver, il n’y a « aucun projet sérieux pour faire avancer notre équipe Sao ».

Les démissionnaires reprochent à la fédération tchadienne de football l’absence d’un projet de développement du football. « C’est une navigation à vue », certifie un entraîneur d’un club sous anonymat. « Dans aucune fédération au monde, on ne voit ce qui se passe actuellement. Que va devenir l’équipe nationale dans cinq, dix, vingt ans ? Le ministre des sports ? Le président de la fédération ? Personne ne peut vous le dire « , poursuit-il. « En notre temps, c’était mieux. Aujourd’hui, on ne comprend rien. Si ça continue comme cela, il ne faut rien attendre de l’équipe nationale », confie, pessimiste, un ancien défenseur des Sao.

En clair, l’absence de projet unanimement décrié laisse libre cours à l’improvisation, devenue quasiment la caractéristique des Sao. Le « manque de professionnalisme » à la fédération, l’instabilité et « le mercantilisme » qui y sévissent constituent un obstacle majeur au fameux projet.

En marge du match d’ouverture du tournoi du football féminin, un cadre de la fédération confiait que « le ministre de la jeunesse ne fait qu’à sa tête et nous met devant un fait accompli ». En effet, les Sao, version féminine, devraient affronter le Sénégal en février. Deux semaines avant la rencontre, un tournoi de détection des joueuses a été organisé en pleine année scolaire et académique. Cette équipe nationale féminine constituée à la hâte a malheureusement démissionné des éliminatoires, faute de financement.

La même improvisation a caractérisé l’organisation du championnat national U17 en 2020. La FIFA versait 1 milliard cette année-là à toutes les fédérations membres en guise de soutien suite aux répercussions de la Covid-19. Ayant avancé 500 millions, le versement du demi-milliard restant était conditionné par l’organisation effective de tous les autres championnats. Ainsi, trois jours après la réception du chèque, les autres championnats sont hâtivement organisés pour remplir les conditions de la FIFA et empocher le pactole. Aujourd’hui, l’académie de football de Farcha, qui devait former la relève, clopine.

Bouderie du nouvel entraîneur

L’ex-entraîneur Kevin Nicaise Tatila, à en croire ses poulains, remettait progressivement l’équipe nationale sur les rails. Eric Mbangossoum a clairement indiqué qu’il commençait à croire au projet de son entraîneur qui se mettait en place. « Effectivement, Kevin Nicaise portait un projet », certifie son collègue entraîneur. Toutefois, la mise en place de ce projet requiert du temps. Le temps que la fédération ne lui a malheureusement pas accordé. Il a été spontanément remplacé à l’expiration de son contrat par Tahir Zakaria. Apparemment, ce nouvel entraîneur n’est pas la bienvenue chez les démissionnaires.

Tahir Oloy Hassan, le nouveau président de la Fédération tchadienne de football association a visiblement du pain sur la planche pour redonner l’espoir à un peuple qui désire applaudir ses joueurs à une compétition internationale.

Masrambaye Blaise