Au Gabon, l’élection présidentielle se tiendra en avril 2025. Arrivé au pouvoir par un coup d’Etat le 30 août 2023, Brice Clotaire Oligui Ngema n’a encore rien dit sur son éventuelle participation à ce scrutin. Mais déjà, au sein de la population gabonaise, les voix se sont levées pour encourager le chef de l’Etat à donner sa candidature. Une partie des gabonais préfère accorder une chance à ce général, parce qu’elle se dit déçue par des acteurs politiques. C’est la tendance en Afrique noire francophone depuis 2020. Dans cette partie du continent, une situation sociopolitique chaotique prévaut et donne l’occasion aux hommes en treillis de s’afficher comme une alternative aux acteurs politiques classiques. Bien que les motifs varient d’un pays à un autre, la corruption des dirigeants politiques est le dénominateur commun des coups de forces en Afrique. Mais l’histoire est là pour nous rappeler qu’au Zaïre, dans les années 60, Joseph Désiré Mobutu avait commis l’irréparable en faisant arrêté puis exécuté le nationaliste Patrice Eméry Lumumba avec la bénédiction de certaines puissances étrangères. Depuis lors, le Zaïre devenu République démocratique du Congo, est un pays qui peine à se stabiliser. Pour les adeptes du fétichisme, ce pays continent reste hanté par l’esprit du nationaliste Lumumba. Mobutu, lui, a très mal fini sa vie.

Mais les chefs d’Etats renversés seraient-ils les seuls à entretenir la corruption ?

La plupart de ces officiers supérieurs, auteurs de coup-d ’Etat formés dans les meilleures écoles d’officiers du continent ou hors du continent avec l’argent du contribuable, ont été associés à la gestion des affaires publiques. Certains géraient les budgets alloués à l’armée dans une opacité totale. Nombre des observateurs et analystes estiment qu’ils ont aussi comptables de la gestion des systèmes qu’ils dénigrent aujourd’hui. En Guinée, au Niger ou encore au Gabon, les auteurs des putschs étaient tous responsables de la sécurité de leur président de la République. Mais beaucoup étaient des opportunistes qui attendaient le bon moment pour s’emparer du fauteuil présidentiel qu’ils lorgnaient depuis fort longtemps.

Il ne saurait exister les propres d’un côté (les corps habillés qui ont le vent en pompe aujourd’hui) et les sales de l’autre (ceux qui en ont fait de la politique un métier)

Qu’il nous soit permis de citer ces mots de l’historien et diplomate sénégalais, Abdoulaye Bathily qui déclarait : « c’est naïf de penser que les coups d’État militaires régleront les questions politiques et sécuritaires… En réalité les militaires ont toujours été au cœur du pouvoir politique. Et ceux qui connaissent l’évolution de l’histoire politique de l’Afrique le savent que dans la plupart des pays où un corps habillé a dirigé le pays, cela n’a pas toujours été synonyme de prospérité, de paix, de sécurité pour ce pays. Excepté l’exemple du Ghana sous Jerry Rawlings qui a su impulser un leadership juste. N’en déplaise aux citoyens gabonais qui disent haut et fort que le seul fait que Oligui Nguema, ne soit pas un Bongo, sont prêts à lui accorder une chance. Personnellement, nous saluons la rapidité avec laquelle Oligui Nguema a réorganisé la vie politique dans son pays. Il est le dernier à avoir perpétré le coup de force, mais le premier à organiser la présidentielle, comparé à ses camarades de l’Afrique de l’ouest. Même s’il faut reconnaître que le Gabon n’est pas confronté au même défi sécuritaire que le Mali, le Burkina et le Niger.

Pierre Boubane