Depuis décembre, l’Association des Médias en Ligne du Tchad (AMET) a reconduit sa grève pour une durée illimitée en vue de contester la décision de la Haute Autorité des Médias et de l’Audiovisuel (HAMA) interdisant aux médias en ligne de diffuser des contenus audiovisuels. Une tentative de rapprochement dans l’optique résoudre la crise s’est soldée par un échec. Entre temps, l’Association a intenté une action en justice. Le Président de la HAMA Abderaman Bakar Abdoulaye Doningar, apporte un éclairage sur cette crise qui secoue le paysage médiatique dans un contexte de campagne électorale.

Tchad et Culture (T.C) : L’Association des Médias en Ligne du Tchad(AMET) reconduit sa grève pour une durée illimitée. Quelle est votre appréciation ?

Abderaman Bakar Abdoulaye Doningar (ABAD) : Merci pour cette opportunité. Ma première réaction, c’est un étonnement du fait qu’un journal en ligne ou journal imprimé décide d’aller en grève. Contre qui ? contre quoi ? L’impact de la grève, c’est le journal lui-même qui subit ainsi que son public. Je ne connais pas la portée de leur lectorat mais j’estime que, normalement ce n’est cette action qui devrait être d’emblée envisagée. A la HAMA nous les recevrons presque tous les jours à propos du fonctionnement de leurs médias respectifs.

L’objet même de la grève est de protester contre la décision de la HAMA interdisant la diffusion des contenus audiovisuels non autorisés. Même si les textes les permettaient, comment la presse écrite peut-elle faire la promotion de l’audiovisuel sur son contenu ?  J’estime que l’audiovisuel répond mieux aux aspirations du promoteur alors il opte pour l’audiovisuel. Au Tchad, la loi autorise une personne physique ou morale à avoir trois médias. En plus, la HAMA a organisé des consultations publiques en vue de l’adoption d’un cahier de charges type pour le web radio, web télé avec des redevances dérisoires pour leur permettre de répondre à leurs aspirations parce qu’il a des talents qui se développent autour. Nous sommes même allés plus loin pour discuter avec les diffuseurs qui sont prêts à les accepter. Certains médias ont des studios capables d’assurer une meilleure production radiophonique ou télévisuelles. Nous leur avons ouvert cette brèche-là.

Nous nous attendions plutôt à ce que ce soient les télévisions qui disent non parce qu’elles paient des redevances fortes et nous ouvrons des brèches à des redevances dérisoires pour permettre à une catégorie de nous concurrencer.  Mais c’est plutôt les journaux en ligne qui réagissent. 

C’est quoi un journal en ligne ? Ils citent une disposition dans les définitions générales qui prend en compte aussi bien le blog que le journal en ligne.  Dans la même disposition, la fin dit que l’internet n’étant pas une zone de non droit, le blog ou le journal est soumis aux conditions applicables aux services de communications destinés au public.  Ensuite l’article 26 dit que : l’information par voie de presse en ligne se réalise à travers des publications générales, d’opinion ou spécialisées en ligne destinées aux publics.  C’est quoi une publication ? La même loi 31, dans son article 5, dernier alinéa définit qu’est qu’une publication. Toute édition de journaux ou périodiques destinée au public. Où est la diffusion dans cela ? Ensuite, les articles 27 à 43 définissent les conditions de création et d’exercice des journaux en ligne et qui n’intègrent pas l’audiovisuel. Ils ont pris un tiret, parce qu’on dit : le service de presse en ligne utilise essentiellement l’écrit et l’audiovisuel. Cette disposition en oublie la disposition même sur leur création.

T.C : D’après l’AMET, vous muselez la presse en ligne. Est-ce le désir pour la HAMA de contrôler tout ce que font les médias en ligne ?

A.B.A.D : S’il y avait désir de contrôler tout ce qu’ils font, normalement le contrôle préalable s’impose. Même le dépôt légal avant publication, on ne le fait pas, alors que la loi le dit. Il y en a qui n’assure pas le dépôt légal pendant longtemps. Nous avons dû suspendre certains pour cela parce qu’ils ont dépassé la période définie par loi pour ne pas s’arrêter : trois mois pour les journaux en ligne, un an pour les journaux imprimés, un an également pour le retrait de fréquence. Nous avons contrôlé au préalable les conditions de leur création avant de leur délivrer des autorisations de fonctionnement. Alors, tous les médias sont astreints aux conditions qui sont définies par la loi.

Bras de fer HAMA -AMET :  Une tentative de rapprochement – Tchad & Culture

T.C : L’AMET vous accuse d’être insensible à leurs revendications ?

La décision, en son article 2, a précisé que ceux qui veulent diffuser les contenus audiovisuels peuvent s’approcher de la HAMA.  Personne n’est venu. C’est une défiance à la décision de la HAMA. C’est cela l’intention des grévistes. Pour eux, c’est la HAMA qui doit reculer par rapport à sa décision. La HAMA n’est pas un organe politique, au contraire c’est une autorité administrative indépendante et suit ses procédures pour la prise des décisions. Les décisions de la HAMA sont susceptibles de recours devant les juridictions compétentes. Ce n’est pas vrai que la HAMA soit murée dans un silence. La preuve, ils n’ont pas saisi la HAMA. Ils avaient la possibilité d’un recours gracieux mais ils n’ont pas exercé. Ils ont préféré aller en grève pour faire fléchir plutôt la HAMA. Nous avons pris cette décision sur la base des informations que nous avions recueillies.  Bizarrement, ceux qui étaient contre la diffusion des vidéos par la presse écrite, reviennent pour se remettre en selle pour protester contre la décision.

A l’approche des élections, nous avons constaté que les gens affichaient des trafics pour des portraits, des interviews, etc. alors que la liste définitive des candidats n’est pas rendue publique. La publicité politique est interdite. Si l’on doit faire, il faut le faire gratuitement pour tout le monde sinon on ne peut parler de l’équité et de l’équilibre de l’information durant la campagne. Il est dit que c’est la HAMA qui gère toutes ces questions et cela a été repris dans le code électoral. Nous ne faisons que jouer notre rôle pour assurer véritablement l’équité, l’égalité, le pluralisme politique et l’équilibre de l’information.  En plus de cela, il y a parfois des contenus graves qui remettent en cause les décisions de justice.

T.C : La HAMA punit-elle des médias en ligne qui ne respectent pas les conditions de fonctionnement ?

A.B.A.D : Non. Il y a des dérives mais nous n’avons pas encore sanctionné. Il y a plusieurs types de sanctions qui sont prévues. Il s’agit de la suspension, du retrait, de la fermeture, etc.

T.C : Peut-on dire qu’il y a une sortie de crise ?

A.B.A.D : D’abord, ce n’est pas la HAMA qui a déclenché la grève. Tout ne dépend pas de la HAMA. S’ils le disent, c’est tout simplement pour faire fléchir la HAMA. C’est même une remise en cause de l’autorité de la HAMA. Lors de la rencontre que nous avons eue avec les responsables, leur avocat a posé une question préjudiciable de savoir pourquoi ils ont intenté une action en justice. Quelle est la suite ?  Nos décisions sont susceptibles de recours devant les juridictions compétentes. La justice étant saisie, nous ne pouvons pas prendre une décision aléatoire. Ce n’est pas la HAMA qui a porté plainte mais c’est plutôt les médias en ligne. Comme cela ouvre une brèche à un débat juridique, alors c’est l’occasion de mettre un terme à cette question.

Interview réalisée

par ASNAN NON-DOUM Saturnin