Depuis quelques années, la vente de volaille explose à N’Djaména. Des milliers de poulets, en provenance des localités environnantes et à l’intérieur du pays, jonchés sur des engins à deux roues ou transportés dans des véhicules, inondent les marchés. Que ce soit les grossistes ou les détaillants, chacun se frotte les mains.
Un vent léger souffle sur la ville de N’Djaména. Le ciel s’assombrit sous l’effet des nuages ce vendredi 27 juin 2021. Malgré que le temps soit menaçant, le marché de Démbé grouille de monde. Deux jeunes tentent de traverser une voie de contournement. Chacun porte un sac au dos et deux paires de poulets en mains. Devant une agence de voyage bondée de monde, un homme les a apostrophés : « Bonjour jeunes gens, à combien vous vendez les poulets», lance-t-il. « Une paire coûte 8 500 FCFA », répond le plus jeune. « C’est trop cher », rétorque le client. Puis une discussion s’en est suivie. Et finalement, le client a réussi à acheter une paire de poulet à 7500FCFA.
Une ruée vers les poulets
A quelques encablures du marché, derrière le mur de l’Eglise Evangélique du Tchad (EET) n°12 un pick-up transportant bondé de poulets en provenance de Dourbali, vient de s’immobilier. Là, les grossistes, les détaillants, les vendeurs ambulants étaient déjà sur place. Les dockers déchargent les poulets sous l’œil vigilant du convoyeur Moustapha. Aussitôt, l’on observe une ruée vers les poulets. Chacun veut à tout prix choisir les meilleures races de poulets. M. Mbaidiguim réussit à arracher une centaine. Le prix total de poulets s’élève à 315000 FCFA. « Aujourd’hui, j’ai reçu une commande de 105 poulets. Comme c’est le début du weekend, je vais réserver le reste aux revendeurs », explique ce grossiste dit avoir en stock25 poulets. « Depuis plus de 15 ans que j’exerce ce commerce », informe M. Mbaidiguim. Un autre grossiste nommé Abdelkerim, la quarantaine révolue, exerce lui aussi ce métier depuis plus de 5 ans. Celui-ci ravitaille les petits marchés. « Avant, je vendais les poulets dans le marché de Dembé et le grand marché. Mais, j’ai constaté que ces deux marchés sont saturés. Le grand marché est envahi par des poulets de chair importés. Tandis que le marché de Dembé est remplit des grossistes. Alors, j’ai décidé de vendre les poulets naturels très prisés des Tchadiens dans les petits marchés ». J’écoule entre 400 à 600 poulets par jour en fonction des périodes, raconte le grossiste.
Une activité juteuse
Pendant que certains grossistes emportent leurs cargaisons, les détaillants eux, engagent des discussions avec d’autres, sur les prix en détail. M. Deoulengar, un jeune âgé de 28 ans, après être d’accord avec son fournisseur qui lui a donné 10 poulets. « Moi, je préfère les poulets de taille moyenne afin de les vendre assez rapidement. Il me laisse un poulet à 2 500 FCFA », note-t-il. Ce jeune homme s’est lancé dans cette activité depuis 2016 après l’obtention de son diplôme à l’Université. « Cela me permet de subvenir à mes besoins. Je tire par poulet vendu 250 à 500 FCFA de bénéfice », rapporte le revendeur. Si le jour où je n’arrive pas à réaliser de bénéfice, je perçois avec le grossiste 100 FCFA par poulet vendu pour frais de commission, poursuit-il. M. Moussa, un grossiste rencontré, atteste de ces propos. Ce dernier emploie 5 vendeurs et 11 revendeurs. Tous sont des diplômés sans emploi. M. Bémadji, l’un de ces revendeurs, accepte de partager son expérience. « Je suis lauréat de l’école normale supérieure. Au début, j’ai commencé à faire la vacation dans les écoles privées où par jour on me payait entre 500 et 1000 FCFA l’heure. Mais j’ai réalisé que ce gain ne couvre pas mes besoins. C’est ainsi que j’ai décidé, en suivant les conseils d’un ami qui n’a pas été à l’école mais s’en sort très bien dans les affaires, d’embrasser le commerce de volaille. J’ai démarré avec un capital de 30 000 FCFA. Je réalise par semaine un bénéficie de 20 000 à 25 000 FCFA, soit 100 000 FCFA. Aujourd’hui, Dieu merci, je m’en sors très bien », se réjouit-il. « Je prends soins de mes enfants à l’école », poursuit M. Bémadji qui rêve déjà de créer une ferme avicole. M. Keinodji, lui par contre, est un patron. « J’ai embrassé le commerce de poulets après avoir abandonné les études à l’Université de N’Djaména. Au départ, j’arpentais les rues pour écouler les produits. Mais, au fil de temps, avec les bénéfices engrangés, je suis devenu un grossiste. Mais clients sont les tenanciers des bars, des coins de grillades et les restaurants. J’ai même embauché des jeunes pour m’épauler dans la livraison des commandes contre une commission, souligne le commerçant.
Un secteur porteur à appuyer
De l’avis de tous les acteurs, le commerce de volaille est un secteur porteur. Mais pendant la période de froid, les commerçants perdent des poulets. « Nos poulets sont naturels ; nous n’avons pas des produits spécifiques pour les traiter contre des maladies. Beaucoup meurent faute de soins », explique un détaillant. Conséquence, pendant l’hiver, le prix du poulet flambe sur les marchés. L’autre difficulté, la plupart des convoyeurs s’approvisionnent en volaille dans les marchés hebdomadaires. Le coût de transport est souvent élevé. Ajouter à cela des tracasseries policières et rackettes des agents des Eaux et Forêts. Pendant le trajet, la volaille meurt à cause du mauvais conditionnement. La volatilité des prix constitue un autre problème. Les prix diffèrent d’une race à une autre. Pire, il n’y a pas un système de pesage. Cela fait que les prix ne sont pas fixés au kilogramme. Conséquence, le rapport entre le prix et produit est souvent erroné. Enfin, la filière volaille est confrontée à une rude concurrence. Des poulets de chair venant des pays européens, latino-américain et arabes envahissent les marchés. Ces poulets de chair se vendent moins cher par rapport aux poulets locaux. Tous ces facteurs influent négativement sur la vente de volaille.
Fort de ce constat, la volaille apparaît comme un secteur très important pour contribuer au développement socio-économique du pays. Autrement dit, elle peut constituer une solution contre le chômage des jeunes. A cet, pour rendre plus attractif ce secteur, l’appui des autorités en charge de l’élevage et les organismes œuvrant dans ce domaine est capital. D’où l’urgence de privilégier la formation des acteurs de cette filière et de créer des conditions optimales pour assurer la santé de la volaille. Il importe aussi de soutenir les jeunes à travers l’octroi de crédits leur permettant de valoriser la filière pour le bien de tous.
Asnan Non-Doum Saturnin
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